
Douglas Kennedy excite fortement mon imagination avec ce livre, même si je suis circonspect sur mon ressenti.
Ce n’est pas le livre qui m’aurait le plus comblé de cet auteur, mais cette histoire a réveillé en moi des souvenirs enfouis d’un monde inconnu et lointain, pourtant proche, mais qui dans les années soixante paraissait étrangement impossible à entrevoir.
Il faut dire que le mur de Berlin et la guerre froide empêchait les vraies informations sur ce qui pouvait s’y passer, mêmes si elles arrivaient pourtant à franchir les frontières, édulcorées ou enjolivées.
En dehors des membres dirigeants du parti communiste et de quelques élus hauts placés peut être le monde paraissait exister avec une zone d’ombre derrière ce mur, même si en fait (je naquis en 1963 pour situer le contexte) la baie des cochons et l’improbable aujourd’hui mais alors dangereuse guerre nucléaire était dans les pensées beaucoup plus étrangement.
Ce qui est lointain n’atteint guère, mais un danger précis (notre premier porte avion pris la mer en 1961) et surtout singulier occupait les pensées malgré les futures années de prospérité économiques et sociales : la guerre nucléaire et l’escalade de la terreur.
Et si la guerre mondiale seconde (espérons qu’une troisième n’arrivera jamais, même si tous les conflits mondiaux laissent à désespérer de la nature humaine) commençait à s’éloigner dans les esprits, la modernité prenant le pas sur l’histoire,l’ombre du mur planait sur l’inconscient collectif.
La chute de celui ci, cette nuit si énergique et fascinante, le plus bel exemple d’un mouvement de société énergique non structuré.
C’est dans ce contexte que le personnage principal se retrouve par choix à Berlin du côté libre, travaillant à la radio américaine de propagande vers la Rda en particulier. Son amour pour une traductrice totalement fusionnel se finira en cauchemar et en fuite.
Le roman en profite par une narration sans lourdeur à donner le ton des deux côtés du mur, en insistant peut être et en le soulignant même sur la grisaille qui occultait les rapports de la société de l’Allemagne de l’Est. Moi qui ait toujours sauté les descriptions de Balzac ou Zola trop longues ou lentes à mon gout dans leurs écrits, j’ai adoré m’insinuer dans les rues sombres des quartiers bas de la ville.
Et surtout un récit d’un amour poignant, d’une femme brisée deux fois par un système, par la vie; perdant deux enfants, et l’amour de sa vie. L’aimant jusqu’à la fin, de loin, sans tenter de le retrouver ou de lui écrire avant sa mort.